"L’arpentage, depuis toujours, a lié le corps et l’espace. Quand l’arpenteur mesurait les distances avec son pouce, sa main, son coude, son bras ou sa foulée, il utilisait son corps pour connaître les limites de son espace. Les danseurs des Arpenteurs, ont gardé à l’esprit le sens de cette démarche. Ils s’approprient aussi, à leur façon, l’espace dans lequel ils évoluent par les mouvements de leur corps et l’énergie de leur gestuelle, dans une ville qui laisse voir l’intimité des êtres. Une ville qu’ils arpentent, tantôt solitaires, à la recherche d’eux-mêmes, tantôt dans d’étranges rencontres.
La ville dont il s’agit est une métaphore pour accéder à l’humain, pour interroger sa vie intérieure, ses perceptions, sa sensualité, mais aussi ses failles, ses doutes, ses angoisses. Plus que de simples interprètes, les sept danseurs tentent d’ajouter à leur virtuosité technique une capacité expressive, un rayonnement qui en font de véritables « personnages chorégraphiques ». Ils ne sont pas seuls sur scène. Parmi eux, autour d’eux, les six musiciens des Percussions de Strasbourg interprètent la partition que François Paris a créée spécialement pour ce spectacle. Sa composition ouvre des mondes musicaux d’une étonnante richesse et tire du parc instrumental des Percussions de Strasbourg, formé notamment des fameux « Sixxen » inventés pour eux par le compositeur Xenakis, des sonorités et des accords qui font vivre cette ville imaginaire et les êtres qui la traversent. Danse et musique se mêlent, se répondent et se stimulent.
Visuellement, c’est à une « danse-cinéma » que Michèle Noiret invite le public. Son univers fait naître de l’inconscient une rêverie éveillée où le sens est ouvert. Le spectacle offre des images élégantes et grandioses, en particulier grâce à l’impressionnante scénographie d’Alain Lagarde, mise en lumière par Xavier Lauwers, qui ont su jouer sur les relations que nouent le « dedans » et le « dehors » de cette ville ouverte, étrange et attirante par ses formes, ses couleurs et les êtres qui y explorent leurs mondes intérieurs."
Pascal Chabot
Création les 2, 3, 4, 5, 6 mai 2007
Théâtre National, à Bruxelles.
Chorégraphie : Michèle Noiret
Assistante à la chorégraphie : Pascale Gigon, en tournée : Dominique Duszynski
Composition musicale originale : François Paris
Assistant musical : Alexis Baskind
Création et dansé par : Elena Borghese, Julie Devigne, Dominique Godderis, Matthieu Guénégou, Nicolas Hubert, Isael Mata, Lise Vachon
Interprétation musicale : Les Percussions de Strasbourg : Jean-Paul Bernard (directeur artistique), Claude Ferrier, Bernard Lesage, Keiko Nakamura, François Papirer, Olaf Tzschoppe
Scénographie et costumes : Alain Lagarde
Lumières : Xavier Lauwers
Conseiller artistique : Pascal Chabot
Ingénieur du son : Nicolas Déflache, en tournées Frédéric Prin (CIRM)
Coordination technique et régie générale : Christian Halquin
Assistant maquette : Matthieu Bianchi
Assistante technique : Hélène Herbeau
Assistante costumes : Patricia Eggerickx
Régie lumières : Marc Lhommel
Régie instruments : Christine Richier
Production & Diffusion : Amandine Rimbert
Administration : Cathy Zanté
François Paris
À propos des « Arpenteurs »
Depuis de nombreuses années, Jean Paul Bernard, Directeur Artistique des « Percussions de Strasbourg » m’avait proposé d’écrire pour le groupe.
L’idée de Jean-Paul s’est portée sur un spectacle chorégraphique. Je connaissais le travail de Michèle Noiret et il m’a semblé très vite que sa grande capacité à visiter différents imaginaires pourrait trouver chez moi un écho musical assez naturellement.
Encore fallait-il que nous puissions accorder le monde des sons à celui des images. Encore fallait-il que nous puissions trouver les moyens de ces continuités et de ces résonances aussi bien sur le plan scénique (présence des musiciens sur le plateau par exemple) que sur le plan de la conjugaison de nos imaginaires respectifs. La technologie et quelques astuces peuvent constituer une réponse partielle à la première préoccupation, mais seule une conscience dramaturgique partagée pouvait nous aider à lever les obstacles de la deuxième. C’est Michèle Noiret qui a proposé ce thème de la ville sillonnée par ces arpenteurs.
Les arpenteurs sont ceux qui mesurent le monde qui nous entoure avec précision aussi bien que ceux, dans un autre sens, qui errent et le parcourent avec incertitude. Cette dialectique était donc de nature à ouvrir à mon imaginaire la découverte de différents mondes musicaux destinés à s’incarner dans le particularisme de certaines scènes tout en s’intégrant dans une perception plus générale destinée à créer l’unité du spectacle.
Contrairement à ce que l’on peut imaginer en regardant le répertoire classique, le temps de la danse n’est pas forcément celui de la musique. La densité habituelle de mon travail « pour le concert » ne pouvait être pertinente dans le cadre de notre spectacle.
J’ai donc dû changer ma manière d’écrire non pas stylistiquement ce qui serait une concession et un renoncement, mais je dirais presque « ergonomiquement » ce qui j’espère, s’avérera par la suite être un enrichissement.
Lorsqu’il y a sur le plateau sept danseurs et six percussionnistes se posent des problèmes d’équilibre, de prégnance des uns par rapport aux autres et de brouillage éventuel d’un propos par un autre. Un compositeur sait doser ce qu’il entend. Il sait le poids des cuivres ou des bois dans ces orchestrations avant même de l’entendre au concert avec un peu de métier.
Il lui est en revanche plus difficile de mesurer et d’intégrer dans son projet compositionnel le « poids de ce que l’on voit » et son influence directe sur ce que l’on entend.
C’est cette découverte de nouveaux paramètres de la composition musicale qui m’a passionné dans ce projet.
Lorsque j’ai travaillé sur le film de Jean Vigo : « À propos de Nice » mon propos était d’engager un dialogue imaginaire avec un cinéaste disparu. La musique s’écrivait a posteriori et non simultanément ou a priori. Il s’agissait là, in fine, d’un commentaire et non d’une construction. Néanmoins, ce rapport à l’image m’a donné envie de chercher un peu plus loin à traduire ou à commenter ce « qui se voit » avec « ce qui est entendu ».
Pour les « arpenteurs », le projet consistait à ne pas faire préexister la musique par rapport à la danse et vice-versa. Ce fut donc un travail de propositions et de contre-propositions, un dialogue sur les fondations et sur le chantier et non sur la réalisation. Une étude de faisabilité sans avoir jamais fait, bref une immersion totale dans un monde en devenir dont il était parfois difficile de comprendre l’origine.
Si je n’avais pas été musicien, j’aurais pu être écrivain, plasticien, ou chorégraphe, mais c’est par la musique que je me sens le plus à même de m’exprimer.
Je partage avec Michèle Noiret cette préoccupation de l’humain et de ces reflets que nous pouvons essayer de transmettre à travers la perception subjective que nous en avons. La difficulté ici était que nous pouvions parfois donner deux visions différentes d’une même « situation ». Ces différences étaient parfois enrichissantes et parfois aussi bien évidemment contradictoires. Il ne s’agissait donc pas de savoir qui avait tort ou raison, mais bien plutôt de déterminer avec objectivité cette fois ci quel regard (ou quelle combinaison de regards) était le plus à propos dans le cadre du déroulement dramaturgique général.
Création mai 2007 au Théâtre National à Bruxelles en coprésentation avec De Munt/La Monnaie.
Producteur délégué : Compagnie Michèle Noiret/Tandem asbl
Producteurs : CIRM, Centre National de Création Musicale (Nice) • Les Percussions de Strasbourg
Coproducteurs : Théâtre National de la Communauté française • De Munt/La Monnaie • Charleroi-Danses, centre chorégraphique de la Communauté française • Théâtre de Namur, centre dramatique • La Filature, Scène nationale - Mulhouse • Arts 276/Automne en Normandie • Le-Maillon, Théâtre de Strasbourg – Scène Européenne • Musica, Festival international des musiques d'aujourd'hui (Strasbourg) • Pôle Sud, Scène conventionnée pour la danse et la musique (Strasbourg).
Michèle Noiret est artiste associée au Théâtre National à Bruxelles et membre du Comité Artistique du Centre National de la Danse de Pantin (France).
François Paris est le directeur du CIRM, Centre National de Création Musicale et du Festival MANCA, à Nice.
Réalisé avec l’aide du Ministère de la Communauté française Wallonie-Bruxelles, Service de la Danse.
CIRM, Centre National de Création Musicale
33 avenue Jean Médecin, 06000 Nice
04 93 88 74 68 - Fax 04 93 16 07 66
Email : info@cirm-manca.org