Production et commande du CIRM, avec le soutien de l'Etat (2004)
Écrite
en 2003/2004, cette œuvre pour orchestre, ensemble vocal et dispositif
électronique est une commande du CIRM et de l’Orchestre Philharmonique
de Nice. Elle est composée de trois mouvements et est construite à
partir d’un texte inspiré de fragments de discours politiques (XIXème)
et de chants de guérison amérindiens, particulièrement Navaho, Sioux,
Utes, Blackfeet, Chippewas et Nez-Percés. Le premier mouvement
s’élabore à partir de figures rythmo-mélodiques combinées comme des
formules (procédé employé dans beaucoup de musiques traditionnelles
comme le chant grégorien par exemple). Le texte y montre à quel point
les Indiens ont une relation forte à la terre et à aux éléments
naturels, et combien pour eux, le désir de l’homme blanc d’acheter
cette terre avec de l’argent semble inintelligent et dangereux. L’idée
maîtresse de leur discours est qu’on ne peut acheter la vie. À la fin
de ce mouvement, ils cherchent dans les montagnes leurs enfants qui ont
fui sans couvertures et sans nourriture : « Sont-ils parmi les morts ?
».
Le deuxième mouvement, comme une colère qui monte, part de
cette mort probable et d’un environnement sonore désertique, pour au
sommet d’un climax, libérer la parole comprimée par la violence du
commerce des êtres et des éléments. Ce qui n’était que matière
venteuse, évoquant l’absence au début de ce mouvement, devient à la fin
comme un souffle de vie. Dans ce mouvement, est privilégiée l’idée d’un
geste unique, dont seule demeurerait, après coup, l’empreinte
gestuelle. Un peu comme ces peintres asiatiques qui passent des heures
à méditer devant leur tableau, puis tracent d’un coup un seul geste,
dont la fulgurance se trouve pleine de toute la méditation précédente.
Le
troisième mouvement mêle les formules du premier aux matières du
deuxième. Il est comme un grand commentaire de la notion de beauté :
beauté vue comme issue de la guérison, mais aussi comme but de conquête
intérieure. Sur un plan strictement musical, l’élément principal de la
pièce, qui génère à la fois les formules rythmiques et la forme globale
de l’œuvre, est une figure d’hémiole : insertion d’un rythme ternaire
dans une structure rythmique binaire.
Le dispositif électronique
en temps réel porte exclusivement sur les voix. Analyse temps réel,
filtres, synthèse granulaire, harmonizers, délays et réverbérations
sont les principales opérations effectuées.
Cette œuvre est dédiée à Yann Martin
Philippe Leroux mai 2004
I
Vent
Regarde le vent
Chacun est debout
Elle sera toujours là
Aussi longtemps que le soleil brillera / Notre terre vaut mieux que de l’argent
Et aussi longtemps que l’eau coulera / Notre terre vaut mieux que de l’argent
Notre terre sera
Pour donner la vie
Il
est impossible de vendre la vie des hommes et des animaux. Ce qui fait
que nous ne pouvons pas vendre cette terre. Elle a été placée ici par
le Grand Esprit. Et il est impossible de la vendre, parce qu’elle ne
nous appartient pas. Vous pouvez compter votre argent et le brûler à
l’intérieur du crâne d’un bison, car seul l’Esprit peut compter les
grains de sable et les brins d’herbes qui sont dans ces plaines.
Ce qui fait que nous ne pouvons pas vendre cette terre
Elle ne nous appartient pas
Vous pouvez compter votre argent et le brûler
Terre
Vie
La terre et moi
Le pays est fait sans ligne de démarcation et ce n’est pas le rôle de l’homme de le diviser
Sommes du même esprit Sommes du même esprit
Les blancs s’enrichissent à travers le pays et veulent nous donner des terres sans valeur
On ne peut vendre la vie des hommes et des animaux ni la terre placés ici par l’Esprit
La mesure de la terre est la même que nos corps
Les enfants de mon peuple ont fui dans les collines sans couvertures, sans nourriture, personne ne sait où ils sont
Sont-ils parmi les morts ?
II
Chut !
Il fait froid
Il fait froid
Dites-nous
si vous osez, que le créateur vous a envoyé pour nous parler.
Croyez-vous vraiment que le créateur vous a fait venir pour disposer de
nous comme vous le voulez ? Si je savais qu’il vous a envoyé, je
penserais que vous avez le droit de disposer de moi.
Je
Marche dans
Le ciel
J’accompagne
L’oi-seau
Mon cheval fuit et vole
Je porte sur mon dos la terre bleu et brune
Je fais que je vole
Je fais que mon cheval vole
J’ai fait que je vole
J’ai fait cela
III
On l’entend
On l’entend
On l’entend
Je me lève
On l’entend
Je me lève
Joyeusement
D’abondants nuages sombres je désire
Joyeusement
D’abondantes averses je désire
Joyeusement
Une abondante végétation je désire
Joyeusement
Un abondant pollen je désire
Il m’entend presque
Ô
mon père suprême, l’arbre n’a jamais fleuri. Peut-être qu’une racine de
l’arbre sacré vit encore. Nourris-là, afin que l’arbre fleurisse et
s’emplisse du chant des oiseaux.
Que la joie soit devant moi
Que la joie soit derrière moi
Que la joie soit au-dessous de moi
Que la joie soit au-dessus de moi
Que cela soit
Que cela soit
Que cela soit joyeux devant moi
Joyeux derrière moi
Que la joie soit
Que cela soit joyeux derrière moi
Joyeux devant moi
Que la joie soit au-dessous de moi
Au-dessus de moi
Que cela soit joyeux
Que la joie soit au-dessous de moi
Au-dessous de moi
Que la joie soit devant moi
Accompli dans la beauté
Que cela soit joyeux devant moi
Derrière moi
Au-dessus de moi
Au-dessous
Devant
Au-dessous de moi
Derrière moi
Accompli dans la beauté
Dans la beauté
Accompli dans la beauté
Dans la beauté
Avec la beauté derrière moi j’avance
Avec la beauté au-dessus de moi j’avance
On l’entend
On l’entend
On l’entend
Je me lève
On l’entend
Avec la beauté au-dessous de moi j’avance
Avec la beauté tout autour de moi je marche
Avec la beauté j’avance
La beauté je marche avec tout autour de moi
Avec la beauté au-dessous de moi je marche
Avec la beauté tout autour de moi j’avance
Tout autour de moi je marche avec la beauté
Au-dessous de moi je marche avec la beauté
Tout autour de moi j’avance
Moi j’avance avec la beauté tout autour
La beauté
Soit devant
Tout autour
De moi
Accompli dans la beauté
Oui
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