lllud Etiam a pour origine quelques images provenant du "Septième sceau" d'Ingmar Bergman. On y voit une femme qui ne prononce pas un seul mot durant tout le film et qui dit seulement : "Enfin !" à la conclusion, lorsque elle voit la mort approcher. Je ne saurai expliquer en quoi cette image a provoqué chez moi le désir de composer cette oeuvre. Mais c'est un fait que c'est de cela que tout est parti.
Comme c'est le cas par ailleurs dans ce film, Illud Etiam traite de la sorcellerie. La chanteuse y interprète deux rôles : celui d'une inquisitrice, et celui d'une pauvre sorcière prête à être brûlée. Dans un cas, une ligne mélodique implacable, rigide, accompagnée des sons de cloches, de l'autre une ligne sensuelle, souple, qui déclenche (par un procédé informatique) des "flammes sonores". Plus la chanteuse progresse dans sa dynamique, plus les sons environnants deviennent instables. Le feu ici est représenté par des sons de synthèses interactifs et remplit une fonction bien particulière : il n'est pas juste le moyen du châtiment, mais représente surtout le désir de cette femme de se consumer. J'ai utilisé deux textes : le premier en latin est une imprécation médiévale véritable que relate Carlo Ginzburg dans son livre : "Le sabat des sorcières", le second se compose d'extraits d'un des plus fameux des sonnets attribués à Louis Labbé.
Illud Etiam a été composé et créé à San Diego (Californie) avec la collaboration de Miller Puckette pour toute la partie informatique. L'œuvre, dédiée à sa créatrice Juliana Snaper, est une commande de la Fromm Music Foundation de l'Université de Harvard à Boston.
J'ai composé une nouvelle version à l'intention de Françoise Kubler et
d'Armand Angster dans laquelle j'ai ajoutée une partie de clarinette.
Philippe Manoury
Illud etiam non omittendum, quod quaedam sceleratae mulieres,
retro post Satanam conversae,
daemonum illusionibus et phantasmatibus seductae, credunt se et
profitentur nocturnis horis cum Diana paganorum dea et innumera multitudine
mulierum equitare super quasdam bestias, et multa terrarum spatia intempestae
noctis silentio pertransire, ejusque jussionibus velut dominae obedire, et
certis noctibus as ejus servitium evocari.
Il ne faut pas taire que certaines femmes
scélérates, devenues disciples de Satan, séduites par les fanatiques illusions
des démons, soutiennent que, la nuit, elles chevauchent certaines bêtes en
compagnie de Diane, déesse des païens, et d'une grande multitude de femmes ;
qu'elles parcourent de grandes distances dans le silence de la nuit profonde ;
qu'elles obéissent aux ordres de la déesse comme si elle était leur maîtresse ;
et qu'elles sont appelées certaines nuits pour la servir.
Extrait de Carlo Ginzburg, Le sabbat des sorcières (1992)
Ô beaux yeux bruns, ô regards détournés,
Ô chauds soupirs, ô larmes épandues,
Ô noires nuits vainement attendues,
Ô jours luisants vainement retournée !
Ô tristes plaints, ô désirs obstinés,
Ô temps perdu, ô peines dépendues,
Ô milles morts en mille rets tendues,
Ô pires maux contre moi destiné !
(…)
Je vis... je meurs... je me brûle…
Louise Labé
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