Né à Monemvasia en Laconie, cadet d'une famille de
grands propriétaires terriens, il est imprégné par ce « rocher » natal,
lourd de souvenirs historiques. Sa famille bientôt ravagée (ruine
économique, mort de la mère et du frère aîné, folie du père et de la
sœur) et la maladie personnelle (séjours en sanatorium) marquent sa vie
et obsèdent son œuvre. Prolétarisé, précarisé - il survit en
calligraphiant des actes juridiques à l'Ordre des avocats et en
participant à des spectacles de danse classique -, il adhère au Parti
Communiste grec à la fin des années 1920. Cet engagement lui vaut de
connaître les camps de « rééducation nationale » après la guerre civile
qui déchire le pays au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Mais
Rítsos partage ensuite encore avec sa génération de nouvelles épreuves
lorsqu’il est à nouveau arrêté lors du putsch des colonels, en avril
1967, et déporté aux îles de Yaros puis de Leros. Sa renommée s'étend
alors au delà de son pays, notamment en France sous l’impulsion d’Aragon
qui le salue comme « le plus grand poète vivant » et mène campagne pour
sa libération. À la chute des Colonels en 1974, Rítsos acquiert, avec
la liberté, un statut hugolien de « poète national ».
Son œuvre,
jusque là de facture assez classique, s’ouvre à des influences
nouvelles, et se rapproche par certains aspects du surréalisme. En
Grèce, elle rencontre un vaste écho populaire avec plusieurs de ses
poèmes mis en musique par Theodorakis. Si Rítsos reste fidèle au parti
communiste d’obédience soviétique, à la différence de la plupart des
intellectuels grecs qui se tournent vers un « eurocommunisme » dénonçant
l'intervention en Tchécoslovaquie, il n’en poursuit pas moins une œuvre
peu conforme à ce que son public pouvait en attendre et qui reste
hantée par la tragédie familiale originelle : il revisite les grands
mythes antiques au moyen de ses souvenirs de Monemvassia en publiant une
série de monologues dramatiques centrés sur les personnages d’Oreste,
de Phèdre, d’Hélène, de Philoctète, etc. En marge de ces recueils
importants, Rítsos multiplie les séries de très courts poèmes qui mêlent
humour, visions cauchemardesques et notations d’un quotidien sacralisé.
Il meurt alors que s’effondre, dans les pays socialistes, le rêve pour
lequel il a lutté et souffert pendant tant d’années. Son ancienne gloire
« militante » compromet alors sa gloire littéraire et entraîne son
œuvre, à l’étranger du moins, dans un discrédit dont elle mériterait
amplement de sortir.
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