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Édito 2009

Il est des démarches artistiques qui tout en étant guidées par un enthousiasme conquérant n’en sont pas moins responsables et raisonnées. Il est des démarches artistiques audacieuses qui n’oublient pas pour autant de payer leur tribu à l’histoire. Il est des démarches artistiques radicales qui n’oublient pas néanmoins la traduction de l’originalité de leur propos en un contexte de production professionnel et pragmatique.

Inscrire le mouvement continu dans la permanence d’un propos artistique pourrait bien être la devise du festival MANCA. C’est aussi cette manière de faire qui caractérise le compositeur Philippe Leroux auteur d’un triptyque à qui j’ai emprunté le titre de cette trentième édition : « continuo(ns) » (pour ensemble) « d’Aller » (pour violon et ensemble) « Plus loin » (pour orchestre). Permanence et création ne sont donc pas antinomiques mais complémentaires à mes yeux.

Ainsi, le fait de célébrer la trentième édition du festival français de musique d’aujourd’hui qui peut se targuer de la plus grande longévité ne doit pas nous conduire à trop contempler avec nostalgie notre rétroviseur ni plus ni moins qu’à nous lancer tête baissée dans une fuite en avant irraisonnée.

Si nous préférons la célébration, à quelques jours près, du soixantième anniversaire de la création de la « Turangalila » de Messiaen à la commémoration du centenaire de la naissance du compositeur, c’est parce que nous mettons l’œuvre au centre de notre démarche et non la personne de l’auteur. Si nous semblons souscrire à la célébration du bicentenaire de la disparition de Haydn (quel paradoxe pour un festival de musique contemporaine !) c’est parce que l'Ecole de l'Académie de la Scala de Milan, créée à l'époque de la mort du compositeur, qui interprétera une chorégraphie de kyliàn sur la musique de Haydn, n’est pas venue en France depuis la mort du compositeur. Il nous semblait donc important, à travers la concomitance de ces deux éléments, de renouer les fils de l’histoire pour aller plus loin ; et c’est ici notre manière d’assumer notre rôle de « passeurs ».

Lorsque j’étudiais au Conservatoire de Paris, Ivo Malec, mon professeur d’alors me disait : Si lorsque vous écrivez vous n’êtes pas persuadé de produire l’œuvre la plus géniale jamais composée, ce n’est pas la peine. Et il ajoutait : si le lendemain, en relisant ce que vous avez réalisé la veille vous vous attribuez toujours le même satisfecit, ce n’est pas la peine non plus. Conjuguer l’enthousiasme prospectif à la raison est le véritable paradigme de l’artiste. L’enthousiasme sans raison n’a jamais rien donné contrairement à ce que cherche à nous faire croire une littérature de pacotille qui se nourrit de légendes de bazar dans le but unique de marginaliser l’artiste afin d’en nier in fine la fonction sociale.

Je crois profondément à la fonction sociale de l’art, et plus encore dans des périodes de crise. Une société qui tourne le dos à sa création artistique est une société qui a déjà accepté en son sein les germes de sa propre décadence.

Si nous, artistes, n’avons pas vocation à penser en politiques, mais bien plutôt en « renifleurs des airs du temps », tourner le dos à nos intuitions subjectives et forcément désordonnées constituerait un risque inutile. Pour continuer d’aller plus loin, personne n’y parviendra à coup d’affirmations dogmatiques. Ces nouvelles formes de solidarités actives qui restent à inventer passent aussi pour une part par le domaine des arts qui, s’il n’est pas forcément directement utile sera toujours et définitivement indispensable.

Ceci posé, chacun choisira son chemin. Pour ma part, je souscrirais volontiers au manifeste du physicien américain Amory Lovins : « Make hope possible not despair convincing » (Rendons l’espoir possible et non le désespoir convaincant).

Continuons d’aller plus loin… ensemble

François Paris

 

Manca 2009